Notre consultant technique Jacky Eeckelaert (ancien ingénieur en F1 chez Peugeot, Prost, Sauber, Honda et HRT) était présent à Pékin pour la première manche du nouveau championnat FIA de Formula E en tant que directeur technique de l’écurie victorieuse Abt Audi Sport, qui l’a emporté avec Lucas di Grassi (photo de famille ci-dessus, avec notre consultant à l’extrême droite). En exclusivité, il nous livre ses impressions sur ce rendez-vous historique et sur les perspectives qu’offre cette nouvelle compétition dans l’univers en mouvement du sport automobile de demain. Un avis éclairé, comme il se doit !
Une organisation sans faille
« La première chose qu’il faut constater, c’est la qualité de l’organisation. Mettre sur pied un tout nouveau championnat, dans un concept aussi révolutionnaire et dans un laps de temps relativement court (grosso modo deux ans de préparation), constitue un sacré challenge. L’équipe très professionnelle d’Alejandro Agag a réussi cette gageure grâce à une organisation irréprochable, ce qui n’était pas gagné étant donné le nombre de paramètres à maîtriser. Par exemple : la fourniture de la puissance électrique. On n’avait pas besoin d’alimenter des couvertures chauffantes, mais bien quarante monoplaces et leurs gourmands propulseurs électriques. Toute l’installation a donné satisfaction et la télémétrie fonctionnait parfaitement, bref ce fut un sans-faute. »
Niveau sportif élevé
« On a vécu un beau spectacle je crois, avec des écarts très faibles (douze pilotes regroupés en sept dixièmes en qualif !), grâce au niveau remarquable du plateau : une quinzaine de pilotes qui ont couru en F1 et des teams pour la plupart très expérimentés. Sur la piste de Pékin, un peu longue à mon goût (3,4 km), les performances des voitures étaient proches avec le bémol que les dépassements n’étaient pas évidents. Pour éviter des processions, il faudra peut-être veiller à fournir des boosts à des moments différents de la course. Mais on a quand même vu quelques belles passes d’armes, et toutes ne sont pas passées à la télé. L’accrochage entre Prost et Heidfeld valait son pesant d’or, naturellement, car ce crash spectaculaire a été montré par les télés du monde entier et relayé par les réseaux sociaux. Du coup, tout le monde connaît la Formula E ! Un bon crash-test aussi pour la coque Dallara de la monoplace Spark, par ailleurs très fiable. »
Défi technologique
« L’intérêt de ce nouveau championnat consiste à gérer un capital énergétique donné en l’exploitant au maximum. Avec des courses au nombre de tours impair (25 à Pékin, mais il y en aura davantage à Putrajaya où le circuit ne fera que 2,4 km), on doit tenir compte qu’une des deux voitures bouclera un tour de plus que l’autre. Samedi, après l’intervention de la safety car, nous avons prolongé le premier relais pour bénéficier d’une plus grande quantité d’énergie dans le second relais. Il s’agit de répartir cette quantité par tour et d’adapter avec le pilote la « target » d’un tour à l’autre : si l’on consomme trop d’énergie sur un tour, il faut la récupérer au tour suivant sous peine d’être pénalisé en fin de course. La stratégie repose sur cette dimension subtile d’équilibre, à gérer en temps réel en se montrant très réactif. »
Approche nouvelle
« C’est une course automobile, certes, mais elle s’inscrit dans un événement urbain qui va au-delà de l’aspect sportif : la ville propose des animations, des concerts, des shows autour de l’ePrix proprement dit. Tout réunir en un seul jour est un challenge pour les concurrents, car on commence tôt samedi matin avec 45 minutes, puis 30 minutes d’essais libres (chaque fois en découvrant un nouveau circuit), et la qualification divisée en quatre groupes de cinq voitures. La course s’enchaîne ensuite, donc on n’a pas trop le temps de souffler ni même de débriefer. Mais un événement compact comme celui-là, qui plus est en plein centre-ville, peut réunir un public plus large que celui des spectateurs traditionnels, d’autant que le samedi est une bonne journée qui peut se prolonger tard dans la soirée, puisque les gens ne travaillent pas le lendemain. Vous le constatez : rien n’a été laissé au hasard dans cette approche très originale susceptible de conquérir de nouveaux fans. »
Succès populaire
« L’affluence est naturelle, puisque nous sommes en ville : avec 20 millions d’habitants à Pékin, les 20.000 places de tribunes ont été vendues sur internet en moins de quatre heures. Les autres places autour du tracé urbain étaient gratuites et on a dénombré 75.000 personnes sur le site. D’autres chiffres confirment l’intérêt des médias et la curiosité des fans : 40 millions de téléspectateurs pour cette première et pas moins d’un milliard de réactions sur les différents réseaux sociaux. La Formula E a donc réussi son lancement, il s’agit maintenant de confirmer dans deux mois en Malaisie et puis tout au long de cette première saison, dont le calendrier hivernal décalé est un atout. Nous avons le sentiment d’être des pionniers en sachant que les constructeurs sont « au balcon », bien décidés à s’investir dans ce qui pourrait devenir un Championnat du monde FIA dès la deuxième année (2015/2016) si la couverture médiatique et l’intérêt technologique se conjuguent. »
Via: Que faut-il penser de la Formula E ? Lanalyse de Jacky – F1i.com.
C’est clair que la Formule E a réussis sont paris pour ses débuts, reste à confirmé pour que cela ne ce termine pas comme le A1 Grand Prix.
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